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Berlin 2008

When a German colleague of Vero's decided unexpectedly to have a three-month parenting leave from 1st of January 2008, Vero (quick as ever) realised that *someone* would have to fill that vacancy... and this is how we came to spend the first three months of 2008 in Berlin.

Full map of all Berlin 2008 pages

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Tags: Berlin  2008

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Front of Tempelhof airport. Front of Tempelhof airport.
Following is the full text of the (alas, few) emails we sent after we returned from our three-month stint in Berlin.

The texts are original copies, shown here as sent: typos, errors, warts and all.

First there are two French quite exhaustive mails, then the shorter English texts.


Subject: Berlin - Impressions d'une ville...

Date: Fri, 22 Feb 2008 16:27:29 +0100

Chers Tous,

Enfin je me mets au clavier. Ce n'est pas faute de volonté, mais le
temps file si vite en ce moment et la vie est tellement prenante, que
je n'ai pas envie d'allumer l'ordinateur une fois rentrée à la maison.
Mais aujourd'hui c'est dit, je m'y mets !

Nous sommes à mi-parcours de notre séjour à Berlin, un peu plus même.
Tout se passe bien et nous profitons de notre séjour au maximum : nous
avons un programme bien rempli tous les week-ends, travail dans la
semaine et chaque jeudi-soir, comme les musées sont gratuits à partir
de 18h, nous écumons les musées de la ville.

C'est même un peu trop ! Nous pensons déjà avec bonheur à notre retour
en Angleterre, et au premier week-end où nous ne ferons RIEN ;-)

Mais nous nous disons qu'il faut en profiter et même si nous nous
sentons un peu paresseux le samedi matin, nous trouvons toujours
l'énergie et l'intérêt pour nous motiver. Car Berlin est vraiment une
ville fascinante.

Comparée à Paris ou Londres, la ville est jeune : elle a pris son
essor au 17ème siècle sous l'aile des Hohenzollern, et a vite marqué
son époque, du siècle des Lumières, à la réunification en 1990, en
passant par Bismarck, la création de l'état allemand, la république de
Weimar, la capitale du 3ème Reich et le théatre de la guerre froide.

Son chapitre le plus noir : l'Allemagne nazie… On ne peut pas
reprocher aux Allemands d'essayer d'en effacer les traces et les
souvenirs. Partout dans la ville, on se heurte à des panneaux
explicatifs, à des témoins muets, à des expositions…

Et les Allemands étant ce qu'ils sont, tout est traité d'une façon
très approfondie. On ressort des musées complètement assommé par la
quantité d'informations. Bien sûr, beaucoup se recoupent, mais voir
l'histoire sous ses différentes facettes, du point de vue des
parlementaires, des Juifs, des Russes, des Américains, cela permet de
tout mettre en perspective et, comment le dire, c'est vraiment
intéressant, passionnant.

Et aussi dérangeant. Tant de questions se posent, qui en provoquent
d'autres, et j'ai l'impression qu'il faut du temps pour tout bien
digérer, pour réfléchir et arranger ses pensées.

C'est une chose d'apprendre ce chapitre de l'histoire au lycée, du
côté des vainqueurs, de voir les films, de s'émouvoir, d'être révolté.
Mais la profusion de documents et d'objets exposés permet de se
plonger dans l'ambiance de l'époque : lire les journaux, voir les
affiches, remettre des photos dans le contexte, explorer l'atmosphère
politique extrèmement virulente dans l'Allemagne des années 20-30.

Je suis une fan de l'Allemagne, je croyais être bien informée, de par
mes études, et mon expérience, mais là, tout ce que je vois à Berlin,
c'est une autre échelle.

La ville ne renie pas son passé et je la trouve très honnête.

La seule chose que nous n'ayons pas trouvé, c'est toute trace ou
mention du batiment construit par Speer et qui abritait « la nouvelle
chancellerie », d'où Hitler dirigeait le pays, où se trouvait le
"Führer-Bunker".

Il ne reste presque plus grand-chose de l'ancienne « Wilhelmstr. », la
rue qui abritait tous les ministères, le cœur politique du Reich. La
rue est encore là, mais de nombreux bâtiments ont disparu sous les
bombes. Mais des plaques reprennent l'histoire, la fonction et
l'architecture de chaque ministère, on peut se représenter. De chaque
ministère, sauf de la nouvelle chancellerie…

Nous avons visité le mémorial de la Shoah, très bien fait, ni
larmoyant, ni émotionel, précis et clair. Le musée juif aussi, qui
retrace l'histoire du peuple juif en Allemagne depuis l'empire romain.

Par exemple, saviez vous que les Juifs n'ont été reconnus comme
Allemands à 100% dans l'exercice de leurs droits de citoyens qu'en
1871 ? (1791en France)
Ils ont en conséquence tout d'un coup éclaté dans la société, formé
une importante part de l'intelligentsia, gagné en influence, ce qui
bien sûr a dérangé et déplu.

Tellement facile alors, de leur donner une grande part de la faute de
la défaite de 1918. Déjà en 1917 a été donné l'ordre par l'Etat Major
de recenser le nombre de Juifs par bataillon dans l'espoir de faire un
lien entre défaite et Juifs. Cela à l'époque provoqué l'indignation
des Juifs, les résultats de l'enquête n'ont pas été concluants, mais
la semence était placée… Un petit exemple entre tant d'autres.

Les affiches et les journaux de l'époque sont hallucinants : des mots
crus, violents, haineux, cruels à l'encontre des Juifs, mais aussi à
l'encontre des socialistes et communistes. Une guerre ouverte sur tous
les fronts de la scène politique, dans le plus profond de la société.

Une ambiance de guerre de religion. Et la répression ciblée de la
NSDAP contre toute opposition, une fois Hitler devenu chancellier :
arrestations et internements arbitraires, pressions inhumaines.

Vraiment choquant de lire tout ça et surtout de réaliser combien
c'était accepté de professer de telles accusations et de telles
horreurs, comment c'était banalisé et tellement omniprésent, à fond
dans l'air du temps (des deux côtés d'ailleurs, les communistes ne
machaient pas leurs mots non plus lorsqu'il s'agissait de combattre la
NSDAP). Impossible d'y échapper. Cela m'a vraiment marquée.

C'est vraiment une autre époque, et du confort de 2008, engoncés que
nous sommes dans notre « politiquement correct », tout cela semble
irréel, impossible et impensable. Je crois qu'il est difficile de
vraiment nous imaginer comment c'était, ce cocktail dangereux qui a
amené Hitler au pouvoir.

Nous avons visité le camp de concentration de Sachsenhausen, aux
portes de Berlin.

Confrontation avec l'ironie et la cruauté de l'histoire : à peine
libéré par les troupes russes, le camp est remis en opération par les
Russes eux-mêmes qui s'en servent avec la même cruauté et la même
méthode pour détruire et éliminer toute résistance au libérateur et «
épurer » la société allemande nazie.

Un destin entre d'autres, auquel je pense souvent : un artiste
(homosexuel) arrêté par les nazis et interné à Sachsenhausen pendant
plusieurs années. Les nazis l'assignent (bien sûr malgrè lui) à
travailler dans un atelier chargé de contrefaçon et dont le but est
d'inonder les pays alliés de fausse monnaie pour déstabiliser leur
économie. Libération du camp : les Russes le déclarent coupable de
sabotage contre l'URSS et le gardent emprisonné à Sachsenhausen, où il
finit par mourir de mal-nutrition et de mauvais traitements…

Ce qui nous amène aux 45 années de la RDA. Et c'est aussi un choc de
réaliser sous quelle didacture les Allemands de l'Est ont vécu. Je ne
me suis jamais interessé pour ce pays, de l'autre côté du mur, et donc
pour moi, je découvre beaucoup de choses.
Ils sont simplement passé d'une didacture à une autre, et comment
ont-ils pu accepté cette nouvelle didacture après avoir survécu à la
première. Etaient ils tellement épuisés, écrasés par la défaite et la
destruction de leur pays / maisons / vies qu'ils n'ont pas eu la force
de résister ?
Comment les bonzes du parti dirigeant SED pouvaient ils prononcer tant
d'aneries et commettre tant de crimes tout en appliquant des méthodes
dignes des nazis qu'ils décriaient tellement. Comment ont-ils pu faire
avaler tout ça aux Allemands de l'Est ?
Tant de questions…

La réunification n'est pas finie. Et je pense vraiment qu'après 18
ans, il y a encore un fossé entre les Ossis et les Wessis, et que cela
va encore durer avant qu'il soit comblé. Cela se remarque dans des
remarques de collègues, dans des habitudes, des opinions. 70 ans de
didacture ne peuvent pas ne pas laisser de traces …

D'un autre côté, la vie avance et c'est bien : une enquête realisée au
mois de janvier auprès des jeunes de 12 à 15 ans du quartier de
Kreuzberg (où se trouvait Check Point Charlie et donc où le mur est
quand même toujours présent) a révélé que beaucoup d'entre eux ne
savent pas pourquoi le Mur était là… Surprenant.

Oui, tant d'histoire si « jeune » à Berlin. Tout est comme ça : des
pavés en métal, incrustés dans les perrons ou les trottoirs devant les
maisons de Berlin où vivaient des victimes du nazisme avec leur nom et
la date de leur arrestation. Il y en a beaucoup !

Nous avons visité la villa de « Karlhorst », dans l'ex secteur russe
où a été signée la capitulation de l'Allemagne et la fin de la guerre.
Accompagnée d'une expo très intéressante sur les relations
russes-allemandes, Stalingrad, etc.

Ou encore la villa de Wannsee, où Heydrich a réuni en Janvier 42 les
responsables de tous les ministères du Reich pour s'assurer de leur
coopération dans l'éxécution de la « solution finale ». Une réunion
banale pour eux, où se met en place un engrenage diabolique. Expo avec
les informations habituelles pour mettre dans le contexte, et dans la
salle de conférence, le protocole de la réunion… J'y ai lu et relu le
commentaire suivant qui m'a profondément choquée:

>> Im besetzten und unbesetzten Frankreich wird die Erfassung der
Juden zur Evakuierung aller Wahrscheinlichkeit nach ohne große
Schwierigkeiten vor sich gehen können.
-> Il est fort probable que la capture des Juifs en vue de
l'évacuation pourra se faire sans grande difficulté dans la France
occupée et non-occupée.

Mais ceci n'est qu'un aspect de Berlin… Du fait de la division qui a
duré 45 ans, le centre ville a un caractère très particulier :
beaucoup de terrains sont encore vides, surtout le long du Mur, on
voit encore les traces et impacts de balles sur de nombreux batiments,
et surtout, la ville est devenue un véritable terrain de jeux pour les
architectes contemporains.
On y voit des batiments géniaux, certains moins réussis que les
autres, mais je dois dire que la majorité est vraiment à voir. Une
alliance entre ancien et nouveau, de grands espaces où peuvent
s'exprimer les concepts les plus fous. Vraiment chouette. Une gare
ultra moderne, aérée et lumineuse en plein centre ville. Où peut on
encore faire cela ? C'est impressionant le nombre de « jachères »
qu'il y a encore. Quelquefois des immeubles tous neufs, et tout d'un
coup, à côté une ruine, reste des bombardements de 45, oubliée car
pendant longtemps située du côté Est dans le no-mans-land du Mur…

Le Mur… Même après 18 ans de réunification, on en voit encore la
cicatrice dans la ville. Changement d'atmosphère entre les différentes
zones, est ou ouest : les blocs d'immeubles déprimants des quartiers
est, les quartiers de l'ouest mieux préservés et restaurés (à
l'exception du Prenzlauer Berg qui était à l'est et est devenu un
quartier très bobo).
Comme déjà dit, les terrains vagues encore tellement nombreux, et
cette impression d'espace qui en résulte. Berlin est une ville verte.

Le centre ville est assez impersonnel, les Berlinois vivent dans leurs
quartiers qui ont tous leur cachet.  Architecture art-nouveau ou fin
de siècle (19ème, semblable à celle de Wiesbaden), et puis tout d'un
coup les lignes pures et sobres de l'architecture dite « nazie », que
je qualifierai plutôt de classique et qui a eu le malheur d'avoir été
appréciée des nazis et reste donc liée à leur mauvaise réputation,
bien que certains batiments aient déjà existé avant leur arrivée au
pouvoir.

Surprise et étonnement de découvrir l'aéroport de Tempelhof, pur style
« classique » en plein milieu de la ville : un batiment
extraordinaire.  C'est comme si venant du boulevard de Sébastopol, ce
n'était pas la Gare de l'Est mais un aéroport qui tout d'un coup
apparaît, un peu en retrait de la place, pas évident à reconnaitre au
premier abord: vous sortez du métro, traversez la place, poussez la
porte et êtes dans le hall d'embarquement. Génial ! Il y a en ce
moment d'ailleurs toute une agitation politique autour de cet aéroport
qui doit arrêter tout trafic cet automne. Beaucoup veulent le garder
pour les vols d'affaire, et il est cher aux Berlinois de l'Ouest, en
souvenir de son rôle lors du blocus de Berlin par les Russes après la
guerre, où la ville était approvisionnée par air à raison de 2 avions
par minute, et ce pendant 11 mois ( !). Il va y avoir un référendum à
ce sujet en Juin, et je crois que l'aéroport va rester… Pas question
de le démolir bien sûr, il est classé. Il s'agit de s'en servir
encore. Car les pistes occupent des terrains très alléchants pour les
promoteurs…

Il y a aussi le Berlin des Hohenzollern, la dynastie qui a tant marqué
l'évolution de la ville ;  l'afflux important de Hugenots à la fin du
17ème, attirés par la tolérance de la Prusse à leur égard et fuyant
les répressions de la France catholique.
Ils ont laissé beaucoup de traces dans la ville : par exemple la place
des Gendarmes en plein centre, ou ils on construit leur église, encore
appelée aujourd'hui la cathédrale des Français ou encore le faubourg «
Franzoesisch Buchholz » où ils ont obtenu des terrains du roi de
Prusse pour y fonder une « colonie ». Sans oublier le siècle des
lumières, mais pour cela, il vaut mieux aller à Potsdam, ce que nous
avons bien sûr fait : le château et le Parc de Sans-Souci, où notre
bon vieux Voltaire se promenait avec Frédéric…

Sans oublier notre bon vieux Napoléon, qui hante encore la région :
ici une plaque où il passé la nuit lors d'une de ses campagnes, là un
rappel que les troupes napoléoniennes ont défilé sous la porte de
Brandenbourg. Et au musée de l'histoire, un mouchoir et son fameux
chapeau, qu'il a oublié à Waterloo dans la précipitation de la
retraite !

Nous commençons à explorer les alentours de Berlin : nous sommes allés
à Brandenbourg, et le week-end dernier à Wittemberg, la ville de
Luther et de la réformation.
Là encore, histoire pure : le combat de Luther contre le pape, contre
le trafic des indulgences, l'église où s'est tenu le premier service
religieux protestant, l'église où Luther a affiché ses 95 thèses.
Fascinant : j'ai appris consciencieusement tout cela à l'ISIT, et voir
les lieux « in natura » : génial !

Dès que l'on s'aventure en dehors de Berlin, on ressent que l'on est
dans l'ex-RDA. C'est assez rural. Les villages sont un étrange mélange
de maisons coquettement rénovées, avec goût et amour, et de maisons
délaissées ou dans un état misérable, car non soignées depuis des
années, dans les tons gris, le crépi tombant des murs. Les deux
extrèmes souvent l'une à côté de l'autre.
Même dans les centre-villes : il reste beaucoup à faire. Potsdam s'en
tire bien, mais c'est une ville musée. Mais même Wittemberg, pourtant
haut-lieu touristique compte de nombreuses maisons bien mal en point
en son centre. L'atmosphère y est particulière, une touche désuette en
certains endroits…

Les paysages sont plats, une longue plaine saturée d'eau, de lacs et
de canaux. Des grandes routes droites, bordées d'arbres. Et peu
peuplés : il n'y a pas un grand réseau de petites routes, comme en
France ou à l'Ouest.  On ressent vraiment que le temps s'est arrêté
ici pendant 45 ans. C'est en même temps une chance incroyable pour la
protection des espaces naturels et l'urbanisme futur.

Ah oui, encore quelque chose typique de Berlin : le nombre incroyable
d'anciennes usines reconverties en centre commerciaux, culturels ou
nouvelles zones industrielles. Le style typique de la fin du 19ème :
des grandes usines pour l'armement, ou la sidérurgie, ou même des
brasseries. Des espaces gigantesques avec de grandes halles en briques
rouges et des verrières. Certaines ont été reconverties avec bonheur
(en fait, dans la zone où se trouve Motorola).
Comme Berlin est une ville nouvelle, relativement jeune, qui a grandi
en même temps que l'Allemagne, surtout à partir de 1870, les grandes
industries ont mis un point d'honneur à l'époque de s'établir dans la
capitale : d'où l'abondance de ces friches industrielles, qui sont
maintenant autant d'espaces vides ou rénovés. Il existe un faubourg
qui s'appelle « Siemensstadt », le nom parle de lui-même !

Bon, je crois que je vais arrêter ici pour le moment, c'est devenu un
très long message et j'espère que vous m'avez suivie jusqu'à la fin !

J'aurais encore pas mal à raconter: les musées, la société allemande,
la vie au quotidien et comment nous ressentons l'Allemagne, après 10
ans passés en Angleterre...

Peut-être le sujet d'un autre message, si je trouve le courage et le
temps. A suivre…

Bises à tous
Vero et Thomas

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Subject: Allemagne... Suite et Fin...

Date: Tue, 13 May 2008 13:48:16 +0100

Cher Tous,

Après un super week-end passé dans le jardin à bronzer, soigner les
plates-bandes et tailler les arbustes, voici enfin la fin de nos
impressions sur nos trois mois passés en Allemagne. Je vous préviens,
c'est un long message !

Sur Berlin même, il n'y a plus grand-chose à raconter, je crois que
mon premier message était déjà assez complet.

Je voudrais quand même perdre quelques mots sur les musées de la
ville. Ils regorgent de richesses, dignes d'un Louvre ou d'un British
Museum. Etonnament, le musée de Pergamon sur l'île des musées compte
de nombreux vestiges de sites que nous avons visités lors de nos
voyages au Moyen-Orient : la ville romaine de Bergame, avec l'autel de
Pergamon, la cité hittite de Bogaszcale. Tous des lieux que  nous
avons visités et en voir les pièces maitresses dans les musées de
Berlin nous a un peu fait mal au cœur. Car ce ne sont pas seulement
des statues, ou des sarcophages qui sont exposés, non, ce sont des
pans entiers de  monuments qui ont été démontés et remontés dans ces
musées.
Nous aurions tellement aimé les voir en place, sur leurs lieux
d'origine… Nous pouvions ressentir le vide qu'ils ont laissé sur place
et les voir ainsi, hors de leur contexte, nous les rendait incomplets,
bien que toujours magnifiques.

Il y a en ce moment un différend entre la Grèce et la Grande Bretagne
: les Grecs aimeraient récupérer la grande frise du Parthénon, pièce
maitresse du British Museum pour pouvoir l'exposer dans un nouveau
batiment conçu à cet effet, au pied du Parthénon même. Bien sûr, les
Britanniques sont  réticents, mais peuvent ils vraiment résister à la
requête des Grecs ?

A mon avis, pas vraiment. La frise du Parthénon appartient à Athènes.
Finis sont les temps du colonialisme,  et du vol culturel. Pareil pour
les trésors turques. Les musées de Berlin leur font une place de
maître, mais leur place est là — bas. Je conçois que l'on émette des
réserves pour rendre à des pays comme l'Iraq où la guerre fait rage,
leurs trésors culturels (je pense d'ailleurs qu'ils ont d'autres chats
à fouetter), mais des pays comme la Grèce ou la Turquie ont un droit à
leur trésors nationaux. Imaginez le tympan de Notre Dame au musée
d'Ankara…

Non, autant ces musées nous ont donné du plaisir, nous ne pouvions
nous empêcher de ressentir quelques pincements de cœur. Il s'y trouve
néanmoins une superbe collection égyptienne et romaine (avec de très
belles mosaiques, si fines et délicates, qu'on les croirait être des
peintures), des trésors d'Assyrie, de Turquie, et de Syrie.

Thomas, qui est un fan de peinture flamande s'en est donné à cœur joie
à parcourir les collections de la Gemäldegallerie, qui a un très bon
département pour la peinture flamande et allemande du 13 au 15ème
siècle.

Nous sommes allés à Leipzig, une ville qui nous a particulièrement
plue. La ville est délimitée par un « ring » de boulevards : au milieu
se trouve le centre historique, partiellement rénové avec encore
quelques friches, mais en bonne voie. Mais à peine les boulevards
franchis vers l'extérieur, le paysage urbain se transforme : des
immeubles aux façades décrépies, d'autres en attente de démolition,
des grandes avenues sans vie, une toute autre ville.

Le centre ville compte de nombreuses églises, surtout baroques. Entre
autres, la Nicolai Kirche, d'où sont parties, les fameuses
Montagsdemos « manifs du lundi », qui ont marqué le début de la fin
pour le régime de la RDA, la résistance pacifique du peuple allemand
(Wir sind das Volk, « nous sommes le peuple »). L'église ne paye pas
de mine, en plein centre ville, mais l'intérieur est très clair,
baroque, avec de beaux piliers, à chapiteaux en forme de palmiers dans
des tons verts et rose pastels, vraiment inattendus …

C'est à Leipzig, ville symbole de la révolution pacifique, que nous
avons choisi de visiter le musée de la Stasi (Staatssicherheit, «
sécurité de l'Etat, la police secrète »). Ce fut une visite assez
oppressante, bien que souvent nous ne pouvions que rire lorsque nous
étions confrontés à l'absurdité de ce système.

Assez « artisanal », le musée est né des mouvements pacifistes des
années 90 et s'attache à montrer la manière dont la Stasi était
présente dans tous les maillons de la vie quotidienne en RDA. De la
crèche, à l'école, l'enrollement et l'endoctrinement de la jeunesse,
le sport comme moyen de sélection, les pressions exercées sur ceux qui
ne s'adaptaient pas et ne se coulaient pas dans le moule, les «
orientations » professionnelles, le service au peuple (armée), pour
filles et garçons, les obstructions (ou catalysateurs) de carrière
selon les services que l'on rendait, une société bâtie sur la
dénonciation et la surveillance de l'autre. Le musée montrait les
diverses techniques utilisées par les « agents », des gens comme vous
et moi, entraînés par le système, certains par conviction, d'autres
par nécessité / force / manque d'alternative.

Il y avait de très beaux (!) exemplaires de propagande
anti-occidentale, des extraits de journaux, des affiches …

Mais aussi: l'interception du courrier, par exemple. Soit par des
particuliers, concierges ou voisins, à l'aide de kits très « Castor
Junior », mais aussi par des bureaux bien organisés, qui recevaient
les sacs de courrier en provenance de la RFA, en ouvraient les
enveloppes suspectes, confisquaient l'argent que certaines
contenaient. Ils avaient ainsi une collection de reproduction de
tampons de poste des plus grandes villes de RFA pour pouvoir
reconstituer les enveloppes au cas où elles auraient souffert lors de
leur interception…

Ou alors le « kit » pour espionner son voisin. Des exemples de
contrats de location, pour sous-louer une pièce d'un appartment
adjacente à celle d'un autre appartement où habitait un « suspect » :
et tout l'appareillage utilisé pour surveiller : des kits d'écoute,
des systèmes pour percer les cloisons et placer des micros, etc…

Ou encore, assez rigolo, mais en fait plutôt à en pleurer : des
valises contenant des déguisements. Il y avait la valise « modèle
Intellectuel », ou alors celle « modèle Ouvrier », etc. Tellement
minable, tellement horrible.

Des gens dénonçant leurs amis, leurs collègues, des femmes dénonçant
leurs époux, des fils leurs mères, des hommes leurs frères…
Incroyable.

Il y a de grandes controverses : doit on publier les archives de la
Stasi, chacun doit il pouvoir avoir accès à son dossier…
De quoi ébranler la vie de familles et de nombreux individus. Cela en
vaut-il vraiment la peine, maintenant que la page est tournée. J'y ai
réfléchi, et je crois que je voudrais savoir. Je crois que je voudrais
voir mon dossier, même si cela devait avoir de graves conséquences.
Mais c'est vraiment difficile à dire.

Revenons sur une note plus gaie : Leipzig est aussi la ville de Johann
S pour les intimes, Johann Sebastian Bach pour le reste des mortels.
Il y était maître de musique des 4 plus grandes églises de la ville
pendant une bonne vingtaine d'années à partir de 1723 et y a passé la
plus grande partie de sa vie artistique. L'église St Thomas, à
laquelle était rattaché le chœur qu'il enseignait, renferme une bonne
exposition retraçant sa carrière et son rôle dans la vie et
l'importance musicale de la ville.

Pour d'autres, peut être, le nom de Leipzig évoque aussi Goethe qui
fréquentait assidument la taverne souterraine du « Auerbachskeller »,
en plein centre, là où se rencontraient les étudiants pour faire la
fête, là ou il choisit de se faire croiser les chemins de Dr Faust et
Méphisto: un souvenir attendrissant de mes années d'ISIT où nous avons
dûment étudié ce chef d'œuvre de Goethe…

Leipzig a toujours été une ville dynamique et commerçante, célèbre
avant la guerre pour ses grandes foires et son industrie, ses maisons
d'édition. Il n'est pas difficile de croire qu'elle reprendra bientôt
son importance au sein de l'Allemagne (si ce n'est déjà fait). Autant
économiquement que culturellement.

La gare a été rénovée à grand frais et est splendide. Elle renferme un
centre commercial important en son sein, en sous-terrain, une
véritable ville dans la ville, assez impressionante.

Mais qui n'a pas vu le « Völkerschlachtdenkmal » (Mémorial de la
Bataille des Nations) n'a pas vu Leipzig : un monument horrible, dans
les faubourgs ouest… Un monstre, énorme par sa grandeur et sa laideur,
marquant la victoire des armées de la « Confédération », prussiennes,
autrichiennes, russes et suédoises, contre les armées de Napoléon en
1813, le début de la fin pour les armées françaises, et un grand pas
vers la paix et la victoire pour les forces de la coalition.
La bataille de Leipzig, aussi appellée bataille des Nations a duré
trois jours et fut pour son époque un véritable carnage, avec un
nombre important de victimes (plus de 120.000), inégalé jusqu'à la
1ère guerre mondiale. Elle fut un tournant décisif pour libérer
l'Europe des tentatives d'hégémonie de Napoléon, et est restée comme
telle engravée dans la mémoire des Allemands. Ce monument fut inauguré
en 1913 pour en fêter le centenaire et singulièrement, les habitants
de Leipzig en sont encore très fiers.

En fait ce qui m'a surtout plu à Leipzig, c'est l'ambiance de la
ville. Nous y étions un dimanche, ce qui n'est jamais une bonne idée
pour visiter une ville en Allemagne, car les magasins sont fermés et
les centre-villes désertés, mais Leipzig elle, était tout de même
animée, ses habitants flânant dans les rues, il s'en dégageait une
atmosphère sympathique, accueillante. A 200 km au sud de Berlin, on a
quitté la Prusse et sa raideur, sa froideur si perceptibles à Berlin.
L'architecture n'est plus guindée comme à Berlin, moins monumentale.
Leipzig mélange les genres, ose les tons différents, elle a les
couleurs et la chaleur des villes du « Sud » : une architecture plus
souple, souriante, des tons plus chauds, des maisons plus gaies. Un
brin de « Bavière », mais attention, ce n'est pas la Bavière ! On s'y
sent bien.
Ce qui m'a d'autant plus marquée que j'y étais venue avec des idées
préconçues d'une cité industrielle, triste et grise, je ne sais pas
pourquoi.

Autre genre, nous avons passé le week-end de Pâques dans la vallée de
l'Elbe, un très joli coin du Land de Saxe, appelé aussi « La Suisse
Saxonne ».

Nous avions loué une petite maison pour trois jours, dans un village
juste à la frontière Tchèque. Y parvenir fût assez palpitant, car le
temps était à la neige, et nous n'avions pas de pneus neige ni
d'équipement approprié : mais tout s'est bien passé, nous sommes
arrivés bon pied bon œil.
Ce coin de la Saxe ne démérite vraiment pas de son appellation de
Suisse saxonne. En effet, on a vraiment l'impression de se trouver
dans les pré-Alpes, avec de belles vallées, surtout le coin où nous
étions. Il y avait pas mal de neige et les jardins étaient décorés de
« Lièvres de neige » en guise de bonhommes de neige.

Nous avons fait beaucoup de randonnées, ce coin est un véritable
paradis. De belles forêts, des rochers escarpés, des rivières claires
et vives, tout un réseau de sentiers, vraiment super.  En plus, de par
la profusion de rochers, précipices, falaises et parois escarpées, les
randos sont très variées et pour tous les goûts. C'est un terrain de
choix pour l'escalade et il y a quelques voies ferrata.
Au centre de la région se trouve l'Elbe, pas très large en fait, mais
dans une grande boucle majestueuse au sein de laquelle se trouve la «
Bastei » une forteresse construite au milieu des rochers, très
impressionante et commandant de splendides vues sur le fleuve. Le
fleuve se traverse grâce à un dense réseau de « bacs », car il y a
très peu de ponts.
Les villes sont petites, humaines, avec de vieux quartiers et de
belles maisons résidentielles, des petits manoirs du début du siècle
dernier, cossus et élégants. Il y a aussi des installations thermales,
ce qui fait de tout ceci un coin de villégiature très agréable où il
fait bon être en vacances. Le village où nous étions basés avait de
très belles maisons avec des façades et des toits en ardoise du
meilleur effet.

Le dernier jour, en rentrant sur Berlin, nous avons fait halte à
Dresde où nous avons passé la journée. J'avais de grandes attentes
quant à cette ville : la Florence du Nord, la quasi-totale destruction
en 45, la reconstruction de la « Frauenkirche »… J'en avais tellement
entendu parler.

Dresde est effectivement très belle, son architecture baroque, sa
location sur les bords de l'Elbe, mais comment dire…

Il y a encore de très nombreuses traces de cet épouvantable
bombardement d'avril 45, totalement inutile, car si proche de la fin
de la guerre, pure « vengeance » des alliés anglo-américains, acte
totalement gratuit. Bien sûr, à replacer dans le contexte, mais bon,
very debattable, comme diraient les Anglais et pas une de leurs heures
de gloire.

La RDA a bien reconstruit certains batiments, les bords de l'Elbe,
mais en plein centre se trouvent encore d'immenses espaces vides, à
réurbaniser, qui sont restés ainsi depuis 1945. La célèbre
Frauenkirche, elle-même fait partie d'un ensemble architectural sur
une grande place, dont tout un pan est encore en reconstruction. C'est
incroyable et m'a vraiment étonnée de voir que tant restait encore à
faire.

Mais les bords de l'Elbe sont magnifiques, l'ensemble du château très
réussi, la silhouette de la ville très élégante. Le batiment qui m'a
le plus charmée a été le Zwinger, la résidence des Princes de Saxe, un
ensemble élégant et ouvert, autour de jardins agrémentés de jeux
d'eaux, vraiment très agréable, de proportions très harmonieuses.

Mais comment dire ? Contrairement à Leipzig, la ville a perdu son âme.
Elle se « vautre » dans son passé de victime. Ses bâtiments et son
histoire, sa réputation attirent un flux assuré de touristes, qui ne
fait que passer et laisser son argent. C'est d'ailleurs la seule chose
qui semble intéresser Dresde. De toutes les villes que nous avons
visitées, c'est la moins accueillante. Pas de panneaux explicatifs (si
ce ne sont les sempiternelles photos rabachées de 1945…), pas de
circuit touristique interactif comme dans d'autres villes, pas de
panneaux en langues étrangères. Non, vraiment, pas un effort pour
rendre la visite agréable.

C'est vrai que le plaisir vient de lui-même, de par la beauté des
bâtiments, mais une telle arrogance se ressent et laisse un
arrière-goût amer. Le centre de toute façon est dépeuplé, un centre
musée où les gens ne vivent pas, donc ce n'est pas vraiment
surprenant.

Mon jugement est peut-être un peu dur (Thomas est plus indulgent, je
crois) et je veux rectifier: Dresde vaut vraiment le voyage, même si
la ville en elle-même m'a déçue. Point de vue architecture, elle tient
le haut du pavé face à Leipzig. Mais pour moi, Leipzig est plus
humaine, plus attirante.

En y repensant, notre excursion favorite de Berlin en fait, a été
Potsdam. Nous y sommes allés deux fois. La ville s'est bien redressée
et a su garder son charme et son cachet malgrè les milliers de
touristes qui s'y rendent pour visiter le château et le parc de
Sans-Souci.
De par sa proximité de Berlin, c'est une « banlieue » chic, avec de
belles villas et des immeubles cossus. Et de nombreux témoins
historiques, du siècle des lumières et aussi de l'époque
nationale-socialiste.

Telle l'église de la Garnison, qui abrita la séance d'ouverture du
nouveau Reichstag après les élections de 1933 qui amenèrent Hitler au
pouvoir. Le bâtiment de Berlin ayant brûlé, il fut décidé d'organiser
la séance d'ouverture où Hitler fût intronisé dans cette église, lieu
hautement symbolique puisqu'elle abritait les caveaux des rois de
Prusse (Frédéric Guillaume I et Frédéric II, le roi soldat). Un peu
comme un « viol » de ce haut lieu de l'histoire germanique planifié
par la NSDAP pour arriver à ses propres fins.

Cet évènement a d'ailleurs coûté sa peau à la pauvre église : brûlée
en 1945, ses ruines restèrent jusqu'en 1968, avec une chapelle rebâtie
à la hâte et les pressions constantes de la population pour la
reconstruire. Mais les autorités de la RDA la jugèrent indigne de
survivre et afin de la laver de cet outrage décidérent simplement sa
démolition totale au nom de l'épuration du national socialisme… Mais
les habitants de Potsdam n'ont pas abandonné et veulent maintenant la
reconstruire à l'aide de fonds recueillis par dons du public.

A Postdam se trouve aussi le château de Cecilienhof où eut lieu la
conférence de Potsdam entre Churchill, Truman et Staline en Juillet /
Aout 45. Là furent confirmés les accords de Yalta et décidée la marche
à suivre quant au sort de l'Allemagne de l'après-guerre, selon le
principe des « 4 D » : dénazification, démilitarisation,
démocratisation, décentralisation.

Un manoir dans le plus pur style anglais victorien, un peu incongru
dans cette région, mais avec un parc très agréable.

Voilà pour la tournée touristique. Mais je voudrais aussi profiter de
ce message pour partager nos impressions sur les Allemands et la vie
en Allemagne, telle que nous l'avons goûtée durant ces trois mois.

Disons que 10 ans en Grande Bretagne ne sont pas passés sans laisser
de traces sur notre façon de voir la vie. Nous (surtout moi) étions
impatients de retrouver le continent pour trois mois.
Par rapport à l'Angleterre, tout y semble si moderne, si clair, si
propre, cela éblouit, on se sent bien, dans une société d'abondance
(sans rire). Les magasins semblent mieux achalandés, les vitrines plus
alléchantes, mieux présentées, plus colorées, plus gaies. Là où en
Angleterre il n'y aurait qu'un choix de 5 lecteurs MP3 sur l'étagère,
en Allemagne il y en a 25… C'est assez grisant.

Mais bon, une fois passé le premier choc électrisant, et le plaisir de
la découverte, tout cela a tendance à s'émousser. Nous sommes de
nature plutôt des anti-consommateurs, près de nos sous, et peu enclins
à ouvrir notre porte-monnaie. Nous aimons regarder, mais en fait, tout
cela ne nous concerne pas vraiment…
Et étonnament, alors que nous avions trouvé la vie en Angleterre plus
chère qu'en Allemagne lors de notre déménagement il y a dix ans,
aujourd'hui, c'est plutôt le contraire. Même les biens de consommation
tels DVD, ordinateurs, TVs, etc sont moins chers au Royaume Uni. Sans
parler du gaz, de l'électricité…

A Berlin en tout cas, c'est le royaume des galeries commerciales. Une
pléthore de galeries, toutes abritant les mêmes chaînes, elles-mêmes
abritant les mêmes marques. La même chose qu'en Angleterre, en fait.
Les discounters tels Lidl ou Aldi sont multi-présents, presque porte à
porte, on se demande comment ils ne se cannibalisent pas les uns les
autres. De ce point de vue, pour des ours comme nous, après deux
semaines, ce n'est pas ce qui nous fera rester …

Quant aux Allemands, c'est difficile à expliquer. J'adore les
Allemand(e)s. Entendre parler la langue me remplit de plaisir.
Quelquefois, j'étais au bureau et écoutais les conversations, en m'en
régalant de chaque intonation, expression, ces conversations de tous
les jours… Nous regardons la télé allemande à la maison et parlons
allemand entre nous, mais ce n'est pas la même chose. Vous allez
croire que je suis débile, mais c'est vrai ! Pour moi, cela fait
vraiment partie des joies de la vie en Allemagne. Entendre les
accents, le « slang », les intonations, anticiper les réponses, les
idiomes.

Mais « pervertis » que nous sommes par la façon de vivre anglaise,
nous nous sentions en Allemagne un peu dépassés et déphasés. Les
Allemands sont stressés, « crispés (verbissen) », ils ont une attitude
hargneuse, insatisfaite face à la vie. Ils prennent tout au sérieux,
et ce qui est le pire, ils SE prennent au sérieux. La vie n'est pas
faite pour rigoler, c'est une affaire sérieuse.

Même s'ils rêvent de soleil, de Provence et de farniente, ce n'est pas
vraiment leur nature. Tout est contrôlé, mesuré, planifié, et si en
tant qu'individu vous déviez un peu du moule, on vous le fait tout de
suite sentir. Des regards lourds de reproches, des remarques
inappropriées, tant de moments où l'on a simplement envie de leur dire
« Come on, Get a life »

Le tri des déchets par exemple. Cela ne s'est pas arrangé depuis notre
départ… Il m'a fallu du temps pour me ré-adapter, et même au bout de 3
mois, Thomas se trompait encore de sac… Et notre proprio nous
regardait avec reproche lorsque nous déposions notre sac dans la
poubelle, pas toujours rempli correctement. Rien que dans la petite
kitchenette à Motorola,  réservée aux employés, il y avait CINQ
poubelles différentes : verre, papier, carton, bio, plastique et
cannettes métalliques (point vert). Ils sont foux les Allemands.

Et que dire de cette belle machine dans les supermarchés : ma grande
joie… Les bouteilles PEP plastiques sont consignées. Il faut donc les
ramener au magasin pour toucher la consigne, et cela se fait en
introduisant la bouteille, goulot en premier dans une machine
concasseuse, qui tourne la bouteille jusqu'à avoir le bar code sur le
haut, puis la propulse énergiquement dans les tréfonds de la machine,
avant de la comprimer avec un bruit évocatif et puissant : Ah… c'était
la joie des samedi matins, le passage à la machine à concasser les
bouteilles plastiques. Cela me manque à Boringstoke !

Berlin est une ville pour cyclistes. Il y a des pistes cyclables
partout… Mais malheur au cycliste qui ose  prendre la piste dans le
mauvais sens (le long de grandes rues à deux voies et terre-plein
central, pas faciles à traverser, où l'on a donc tendance à rester sur
le côté où l'on se trouve)… On se fait vite traiter de « Geisterfahrer
» (voyageur à contre-sens), et dans un ton qui ne rigole pas. Sans
équivoques…

Où alors leur attitude complètement stressée à la caisse du
supermarché. La peur d'être espionné lorsqu'ils rentrent leur pin code
pour la carte de crédit : leurs contorsions pour se cacher et les
regards torves lorsqu'ils croisent ton regard, pensant que vous êtes
en train de les espionner, prêt à les dérober, alors que vous attendez
simplement patiemment votre tour en rêvant à la sauce bolognaise que
vous allez concocter dans quelques heures…

Ce ne sont que des petits exemples, peut être insignifiants, mais qui
contribuent à un grand tout, qui rend la vie stressée et stressante.
Et  nous semble un peu « out of touch » après notre expérience
anglaise. Comme je le disais : Get a life…

Les Anglais en comparaison, sont laissez-faire, tolérants, et surtout,
ne se prennent pas au sérieux. C'est un pays de dilettantes, qui a son
charme, et que nous apprécions énormément. Quoiqu'il y ait beaucoup à
raconter là aussi, mais nous nous y sommes habitués, et malgrè toutes
les incongruités et imperfections de la société anglaise, nous nous y
sentons à l'aise. Je crois que j'en ferai le sujet d'un prochain
message, car cela vaut la peine d'être approfondi (et il s'y passe des
choses incroyables). Mais pas maintenant, plus tard …

Ces observations un peu critiques ne changent cependant rien à notre
désir de nous établir un de ces jours en Bavière, dans les Alpes, pas
loin du Lac de Constance. Mais cela a encore un peu de temps, pour
l'instant, nous profitons encore de l'Angleterre !

Sur ce, bises ensoleillées!

Véro et Thomas

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Subject: Berlin and all that......

Date: Wed, 4 Jun 2008 16:47:16 +0100

Dear all,

it is with a certain... err, embarrassed reluctance that we send this email.

After all, we've been in Berlin for a full three months and we had
promised beforehand to send something from there. Okay, so we had full
days over there because there was so much to do and see and we really
used our time to the max. However, we are now back in the UK since
beginning of April, so by now we really, really should have...

Well, better late than never, so here goes. Actually, this is one of
the problems: where do you start? Berlin, and with it the whole
eastern half of Germany, is such a vast, incongruous, bizarre place,
such a strange planet... it's difficult to decide where to begin.

So let's start with the weather then;-) We expected Berlin to be
FREEZING cold and when we arrived on 31/12/2007 we found it a chilly
place indeed. However, that was *nothing* compared to the next day,
1st of Jan. Snow was thick on the ground (and we mean thick: think
Nappy and Russian winter) and it had grown even colder overnight. A
nice surprise indeed and a nice start for 2008 (although our trusty
small car is equipped only with summer tyres: if the German Police
catch you with that in an accident they will do nasty things to you).

Well, we finally managed to slide the car towards our new abode which
was a sort of holiday house with a tiny kitchen (there's more space in
the boot of a German car than was in the kitchen) and three rooms. All
pretty basic but not too bad. It was located near a deep dark wood,
with all sorts of wildlife including boars and deer: Vero walked or
cycled to Motorola and she had some, ah... encounters. But it was
still in Berlin proper, on the northwestern fringes. (To get to the
other side of Berlin, we had to drive some 30 miles: this is a
seriously huge capital.)

There are even tiny villages with real farms with tilled land (yes,
including cows and sheep and the like) embedded into the city. We
visited one of these, called Lübbars, during our first weekend and it
is really an incredible sight, once you leave the skyscrapers of the
Märkische Zentrum behind: it quickly begins to feel like countryside,
it is countryside... but is is also inside Berlin City.

So this was one of the first surprises: the sheer amount of greenery
in Berlin. We've yet to see another such mega city with so much wood,
park land, lakes (there must be dozens and dozens of lakes in Berlin,
some of them pretty big with all sorts of boating facilities... the
Serpentine in Hyde Park is really just a puddle in comparison).

We had many a long walk along these lakes, and we have to admit that
although we are mountain lovers, this habitat does have some charms:
full of boats, motor and sail, plenty of nice swimming possibilities
(not in winter, though), ferries to quickly hop to the other side,
always a green meadow in sight with some stately mansion on it (the
number of stately houses in Berlin is staggering). If the weather is
nice, "rural" Berlin and its waterways are definitely a big, big
highlight: we drove a few times alongside the Great Wannsee with blue
skies, blazing sun and a breeze... the feeling was almost one of
Mediterranean lightness.

Traffic. For a megalopolis Berlin is surprisingly easy to navigate. It
feels much more fluid than London, mostly because outside rush hours
there is just not a lot of traffic around. It also helps that the
Berliners are mostly really sloooooow drivers, no comparison to the
way the French chase each other through Parisian streets. The fly in
the ointment are the traffic lights: it used to be the case (at least
in big German towns in the west) that these ghastly things are
synchronised in what Germans call "Grüne Welle" (literally green
wave): so long as you travel with a certain constant speed (the right
speed is announced on signs or displays), you are guaranteed a smooth
journey across many traffic lights. Well, not in Berlin. In Berlin,
they seem to have invented a deliberate policy of "Rote Welle". We
asked a few locals about that and their answers implied that there is
indeed method to this disgusting madness.

Another traffic thing we found quite strange (and surprisingly
difficult to adapt to) is the way ALL German pedestrians sheephishly
wait at the roadside until the dull red manikin turns into a
energetically-walking green guy. The street can be free for miles,
they still wait with all patience in the world. Okay, okay, so they
should, think of the bad example you're giving to the kids and all
that... but for all that, the Brits and Froggies don't wait, they
simply walk if the street's clear. We've caught quite a few annoyed
looks from others who waited and we once bumped into two policemen who
admonished us in the sternest tones to the effect that next time we
might well end up in the Charité (a famous Berlin landmark and
hospital)... Probably we've been under bad influence for too long;-)

We found central Berlin ("Mitte" as they call it) a pretty empty
place: sometimes not unlike the City of London after business hours.
Sure, there are bars, cinemas and the like but even the
Friedrichstraße, later in the evening, simply doesn't feel like being
in a big metropolis. However, a lot of the action takes place not in
central Berlin but in places like Kreuzberg or Wedding. On a related
note, we found the famous Kurfürstendamm (Ku'damm for short) a bit
disappointing: many expensive fashion shops on really broad sidewalks
but for all that a bit lifeless, dull. There's more action further on,
when you reach the KaDeWe (short for Kaufhaus des Westens), a really
big and impressive shopping centre along the lines of Harrods.

Which brings us to another thing we found completely, utterly amazing:
the sheer number of shopping centres and malls in Berlin. They've
popped up pretty much everywhere and they are truly huge. Perhaps not
on the scale of the biggest Bangkok outlets but still quite
impressive, especially given the reputation of the Germans of being
slow consumers. Well, perhaps it's all there for the Russians and
Poles... Speaking of whom, we do see (and hear) many more Poles here
in Boringstoke than we did in Berlin. Seems a bit counterintuitive but
there you are.

Well, that would be the first installment about our Berlin months.
More, mainly about the history of the place, will follow during the
next weeks. Promised:-)

Cheers and all the best

Vero+Thomas

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Subject: Berlin and history...

Date: Fri, 20 Jun 2008 13:31:56 +0100

Dear all,

as promised, here's another installment about our Berlin days. Main
theme this time will be history.

Berlin used to be a pretty backwaterish, almost boring sort of place
for a long time. Okay, so they had a few King Friedrichs here and a
few Wilhelms there (for a real change, there were also some
Friedrich-Wilhelms) and one day even this dubious Voltaire figure
showed up... but things only began to heat up around 1850.

Then something amazing happened: for the next 150 years Berlin was THE
stage for world history. It all happened with such speed and with such
an extraordinary intensity that still today the whiff of "live
history" hangs almost palpably everywhere in the city. Here's
something that reminds you of Kaiser Wilhelm; there was Hitler's great
bunker and the ruins of the Gestapo building; here's the Stasi main
building; over there, literally in the thick of the city, is the
"Zentralflughafen Tempelhof" where 1948/49, during the Soviet
blockade, planes were touching down roughly every two minutes...
without fail for more than 15 months!

Yeah, just try to imagine this single thing... aircraft after
aircraft, bringing food, raw materials, fuel ... all the stuff the
people in the allied part of Berlin needed to survive, landed EVERY
TWO MINUTES... day in, day out, 24/7... for more than 450 days!

That's a total of nearly 278.000 flights: crazy. But Berlin is that
sort of place.

And this is really what we found so utterly incredible: take Paris,
take London or Moscow... sure, they all had their fair share of
history, of drama, of blood and death and destruction -- but all this
happened over many centuries.

By contrast, Berlin has most of its history compressed into less than
150 years: it started 1848, when Berlin had the German spring
revolution; it then had the rise of Bismarck and the Reich in 1870;
it had WW I; it had the Nazis (and the Olympics); it had WW II; it had
the Wall; it had the Commies and yet again a nasty dictatorship; it
had the Stasi; it had Kennedy who told the world he was a Berliner; it
had the fall of the Wall and it finally had reunification.

All that action pressed into what...? Five, six generations? AMAZING.

And this intensity is still there, hangs in the air, still hovers
above the empty bleakness where the Wall used to be. Because, even
almost two decades after the fall, parts of the old centre of Berlin
are still a wide open scar. East of the wall there are vast, grey
spaces which feel more like a rundown village green during the Great
Depression than the middle of a lively, hectic capital of the 21st
century.

This is a city where one can feel, see, breathe history. One doesn't
have to be a history buff to realise that Berlin is a place like no
other, at least for Europeans. (Thomas' old history teacher, who
valiantly and vainly tried to instill *some* sense of history into the
boy, must be turning in his grave. Well, as they say, all theory is
grey.)

What more can we say? We could highlight many, many different things
and sights we experienced... but it's the sum of all these which makes
Berlin such a special place. Perhaps just a couple of observations.

The Germans tend to be a thorough people. So it's no wonder that they
painstakingly documented all the places where the Nazis had offices,
all these infamous hives of activity: the Gestapo Zentrale, the
Reichsluftfahrtministerium, the Reichssicherheitshauptamt Referat IV
B4 where Adolf Eichmann had his desk... practically every building in
and around the Wilhelmstrasse area had some official function in the
Nazi state.

On today's Wilhelmstrasse (and many of its side streets) there are
dozens and dozens of detailed displays with exact descriptions, floor
plans, photographs, witness accounts, historic newspaper clippings,
copies of key Nazi documents... There is a huge, extremely well-done
and utterly shattering outdoor exhibition called "Topography of
Terror" in Niederkirchnerstrasse, where the Gestapo headquarters was
located.

Indeed, this honest and harsh attempt to document and deal with the
past is in its painstakingness almost frightening. At some point you
begin to understand something about the Germans and what made and
makes them tick not only through the contents of the many varied
displays, informative as they are. On a meta level, this documentation
in itself produces a telling illustration of German determination,
thoroughness and yes, their ruthlessness -- back then directed against
everything non-"Völkisch", today, as if seen through a strange mirror,
directed against the deeds and actions of their forebears.

And beyond all the information, beyond the facts and the presentation,
there is something, an indescribable Genius Loci, so to speak. There
are moments where, even when you're still not able understand what
happened, at least begin to grasp how and why it could have happened.

And yet, and yet... in all this incredible mass of information, of
facts, of photos, of painful evidence, one bit is conspicuously
absent. There is no trace whatsoever, no display, not even a single
passing mention, ABSOLUTELY NOTHING of Hitler's Reichskanzlei and the
bunker where he committed suicide. It's as if these buildings had
never existed. Oh, we searched for them, armed with maps and
descriptions... but we found nothing.

We finally did locate the point where the entrance to the Führerbunker
must have been, within some 10 metres or so: nowadays there's a block
of modern flats with a big backyard, some trees and a few bicycles
leaning against the railings. That's all. No hint whatsoever that once
the back of the Reichskanzlei and the entrance to Hitler's last domain
was located here.

It is almost as if by NOT acknowledging that this huge building with
its grand staircase and entrance columns ever existed the German
people can exorcise Hitler himself. But this man's inscrutable,
unbearable influence on Germans and Germany back then as well as today
(and, by extension, on Europe) has a mysterious quality that can't be
explained, analysed, illuminated by any number of displays.

Yes, Berlin makes one face many uncomfortable questions. We are living
in another time, but some of these questions are timeless and have
nothing to do with one's origin or upbringing.

And then there are the many small things. We visited the villa in
which humans (Otto Hahn and Lise Meitner) split for the first time an
atom, in 1938; we saw the room where, in May 1945, the capitulation
was signed; we saw one of the main hot spots of the June 1953 uprising
when workers were demonstrating all over the GDR; some of them were
killed.

It's all still there and it's not some distant history... this really
happened and it happened to real people. People like those in Israel
and Palestine or Burma or indeed Baghdad... who could be forgiven if
they take Francis Fukuyama's 1989 essay 'The End of History and the
Last Man' to be quite off the mark: history and humans are
inextricably linked, until the very last man.

We'll send another letter one of these days: Berlin has some of the
finest museums in the world and there's much to talk about its
cultural aspects.

All the best

Vero+Thomas

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$updated from: Blog.htxt Mon 04 Mar 2024 16:04:39 trvl2 (By Vero and Thomas Lauer)$